THUILLIER, Pierre. La Grande Implosion. Rapport sur l’effondrement de l’Occident 1999-2002. Paris: Librairie Arthème Fayard, 1995, p.297-298
Même le grand Galilée n’était pas parvenu d’un seul coup à regarder l’univers comme une vulgaire machine. Il avait, lui aussi, longtemps entretenu des croyances “archaïques”. Par exemple, comme beaucoup de savants de son temps, il avait appris l’astrologie en étudiant la médecine à Pise. Plusieurs horoscopes tirés par lui ont été conservés, en particulier ceux de ses deux filles. Or la pensée astrologique impliquait la croyance en l’influence mystérieuse des astres sur la Terre et sur tous les êtres. Mais Galilée avait parfois des pensées plus scandaleuses encore. Ainsi, à l’âge de cinquante et un ans, il caressait cette idée : avant la création du soleil, il avait existé un esprit « doué d’une calorifique et féconde vertu ».
Voici comment la future idole de la science moderne développait ce thème dans une lettre adressée à monseigneur Pietro Dini le 23 mars 1615 : « D’où nous pouvons avec beaucoup de vraisemblance affirmer que cet esprit fécondant et cette lumière diffuse à travers le monde entier concourent à s ’unir et à se fortifier dans ce corps solaire, placé pour cela au centre de l’univers ; puis il se diffuse à nouveau, après qu’il est devenu plus resplendissant et plus vigoureux. » L’historien Eugenio Garin [298] commentait ainsi cette vision de l’univers : « Autrement dit, selon Galilée, le Soleil est le médiateur entre la lumière primordiale, source de la vie, et l’univers vivant. » Il va de soi que ce Galilée-là demeurait pratiquement inconnu des populations occidentales modernes. « Qu’aurait donc pensé l’homme de la rue, disait le professeur Dupin, s’il avait su que Galileo Galilei, lui aussi, avait cru aux pires balivernes dénoncées par les chapelles rationalistes ? »
Lorsqu’il évoquait les miracles de la Lumière, précisons-le, Galilée ne pensait pas au Big Bang ou à d’autres théories de ce genre. Cette Lumière-là, en effet, n’avait rien à voir avec les photons de la science moderne. Tout simplement, ainsi que l’écrivait Eugenio Garin, Galilée répercutait un enseignement de la Kabbale, à savoir « le thème de la concentration de la lumière en un point et de son rayonnement explosif». (La Kabbale, d’origine juive, était une tradition propagée par des initiés ; elle débouchait sur une numérologie raffinée et d’autres horreurs strictement condamnées par les tenants de la Raison.) De même que le cœur d’un animal régénère continuellement ses esprits vitaux, disait encore Galilée, de même le Soleil était le foyer permanent de la vie universelle. Comme Ficin, comme Léonard de Vinci, Galilée avait donc cru (ou avait été tenté de croire) à la Vie universelle, à la profonde unité du Tout.