C’est en ces couches profondes de la temporalité que s’enracine la question de la technique chez Heidegger. Mais cette question se rejoue, en des textes postérieurs à Être et Temps, après le « tournant », non plus comme dimension existentiale dans l’analytique du Dasein, mais comme motif constitutif de toute possibilité de déconstruction de l’histoire de la métaphysique. S’il est vrai que le caractère métaphysique culmine dans le projet d’une mathésis universalis destinant à un sujet à se rendre « comme maître et possesseur de la nature », où l’essence de la raison s’avère être le calcul, ce tournant de la métaphysique est une entrée dans l’âge technique de la pensée philosophique par quoi la technique, devenant moderne, accomplit la subjectivité comme objectivité. Les temps modernes sont essentiellement ceux de la technique moderne.
La difficulté d’une interprétation du sens de la technique moderne par Heidegger est donc à la mesure de la difficulté de toute pensée. La technique moderne fait l’objet de nombreux textes qui ne paraissent pas toujours aller dans le même sens. Autrement dit, le sens de la technique moderne y est ambigu. Elle apparaît à la fois comme obstacle et comme possibilité ultimes de la pensée. Parmi les textes qui la détermine comme obstacle, on cite souvent « La question de la technique » et « L’époque des conceptions du monde ». Les textes tardifs, « Temps et être », « La fin de la philosophie et le tournant », inscrivent la possibilité d’une autre pensée dans la tâche de méditer la co-appartenance de l’être et du temps dans le Gestell. Dans « Le principe d’identité », Gestell désigne
Si la technique moderne est l’accomplissement de la métaphysique, il n’y faut voir qu’une face du Gestell. En son autre face, il détermine la co-propriation de l’être et du temps comme il y a (es gibt) de l’être et du temps, en telle manière que la détermination métaphysique du temps s’en trouve levée, tandis qu’il s’agit de penser l’être sans l’étant – c’est-à-dire sans le Dasein :
Le Gestell est un prélude à l’Er-eignis où
L’identité, qui est d’abord identité de l’être et de la pensée, est le trait fondamental de l’être. Mais le principe d’identité
Le Gestell est le développement mondial de la technique moderne, et, comme tel, l’accomplissement de la métaphysique.
Bibliografia: