Selon l’expression de R. Ruyer, « toute communication efficace d’une structure » peut être appelée information. La machine sociale semble fonctionner comme un cosmos qui prévoit, règle et surveille ses propres « créations d’ordre » et qui possède d’autre part le privilège de la polyvalence. L’ordinateur socio-économique global se présente comme un monde physique retrouvant son principe d’ordre originel à travers ses métamorphoses culturelles. La machine semble nier ses propres effets physiques, et même reverser le sens du monde vers son meilleur état possible. La « mégamachine » peut en effet traiter l’information selon une structure récursive, adaptative, et globalement cohérente. Cette « machine » est artificielle puisqu’elle semble s’opposer à l’extension naturelle de 1’« entropie », conforme à la seconde loi de la thermodynamique. Pour un système isolé, l’état d’équilibre correspond à un maximum d’entropie ; toutefois les Machines à information tendent vers un minimum de production d’entropie. Ce paradoxe scientifique résout toutes les critiques opposées à la cybernétique sociale par les tenants de l’irréductibilité de la conscience à des phénomènes mécaniques et physiques. Il signifie que l’improbabilité doit être maximum pour que, statistiquement, un état d’équilibre stable se produise — celui-ci est, si l’on veut, une abstraction, une fin ; mais, réciproquement, cet état d’équilibre est celui dans lequel la structure du système apparaît, où donc l’information est la plus grande. La machine cybernétique sociale réinvente la création du monde (ou la simule) et rétablit au passage le mythe du mouvement perpétuel. On conçoit qu’il existe des structures techniques qui, partant d’une situation de hasard, peuvent aboutir à un état du système qui soit stable, c’est-à-dire à une structure interne qui, par actions èt réactions successives, par évolution globale d’une structure d’échanges, termine les échanges et exprime un anti-hasard rationnel. Anti-hasard rationnel qui se localise dans les différentes liaisons et relations par lesquelles se conserve l’organisation. Ces liaisons codifiées par une règle soutiennent une véritable mémoire mécanique ; en elles s’exprime la création d’un ordre conquis sur le désordre. La machine « à information et à communication radiale » appliquée au domaine social représente un des aboutissements actuels de la technologie. Mais un aboutissement logiquement anti-culturel et donc abstrait, ou encore mythique-utopique, fantasmagorique. Même si on admet que l’utilisation sociale et humaine de l’idée physique d’entropie n’est pas ici très rigoureuse, il reste l’idée que la machine à information, considérée positivement comme élément d’une structure de communication totale, inverse le sens de l’histoire et de la culture. Donc, ou bien elle est une autre culture et une outre-culture, ou bien il y a contradiction radicale entre technique et culture (ce qui est absurde). La recherche de la totalité technologique hors du domaine de [285] la machine sociale cybernétique est bien une véritable nécessité. Sa réduction théorique et scientiste permet une série de désarrois et d’utopies parallèle à celle autorisée par l’organisation du travail. Le mythe et l’utopie se rejoignent toujours « quelque part ».